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Exposition L’Usure du monde

Rencontres des Cinémas d’Europe 19e édition > Focus

Dans le cadre du Focus, de manière à créer une passerelle imaginaire entre entre l’Europe et l’Asie Centrale, l’exposition de Frédéric Lecloux nous propose de suivre en photographie, 50 ans après, l’itinéraire de Nicolas Bouvier, l’auteur du magnifique récit de voyage : « L’Usage du monde ».

L’Usure du Monde

HOMMAGE À NICOLAS BOUVIER
On croit qu’on va lire L’Usage du Monde, et bientôt c’est L’Usage du Monde qui vous lie. Ça commence comme ça : dans un premier temps vous ne pouvez plus rien lire d’autre, passe encore… mais bientôt vous ne pouvez plus rien lire du tout. Il y a chez Bouvier cette manière d’essorer chaque instant de bonheur jusqu’à la dernière goutte essentielle, et de conserver ce distillat dans les fioles de sa mémoire pour y puiser sa survie chaque fois que le bonheur n’a plus voulu être au rendez-vous… et vous, à cette aune-là, vous percevez si violemment la catastrophe centrale que cela a dû représenter pour Nicolas Bouvier, d’avoir figé cette route dans une telle parcimonie de mots si faits les uns pour les autres, qu’il vous est devenu intolérable de n’être pas lui, au temps et au lieu qu’il dit.
Nous avions ce livre à exorciser, à rouvrir, à accepter à nouveau pour qu’il redevienne un compagnon de route et de vie – c’est-à-dire raconter comment il est possible aujourd’hui, pour paraphraser Nicolas, de se « défaire » de L’Usage du Monde.
D’autres que nous face au même obstacle ont eu la chance de pouvoir régler la question en tête-à-tête avec lui. Ce n’est pas notre cas. Nicolas Bouvier est décédé en 1998. A cette époque L’Usage ne nous avait pas encore complètement paralysés. Des années plus tard lorsqu’il est devenu urgent de décharger ce faix-là, tout ce dont nous avons été capables, Nicolas absent, fut un départ en voyage.

Frédéric Lecloux

Né en 1972 à Bruxelles, Belgique. Vit à Nyons, Drôme, France. Photographe autodidacte, diplômé de l’École nationale supérieure de la Photographie d’Arles (avec mention, juin 2016). Directeur de collection aux éditions Le Bec en l’air. Maître de stage à photo.circle à Katmandou et aux Rencontres d’Arles. Le travail de Frédéric Lecloux est distribué par l’Agence VU’ depuis 2003 et publié par Le Bec en l’air.

Démarche
« Une photographie. Une de ces images qui existent en moi, sans que je sache où ni sous quels traits, jusqu’au moment où me fait signe une vibration dans le réel – et scintille la découpe à y opérer pour que l’image prenne chair et s’apparie avec sa trace intérieure, latente encore une seconde plus tôt. Sauf qu’ordinairement le réel cesse de vibrer bien avant que j’agisse. Face à ce qui prétend devenir photographie, j’ai besoin de temps. Observer monter la nécessité. Connaître. Comprendre. Laisser l’image se charger de ce savoir. Ne pas l’accepter chargée uniquement de l’éclair de la vision. L’éclair est nécessaire mais je ne puis le transposer en photographie qu’en ajournant le geste de la prendre, le temps que la vie dise de quelle sorte d’éclair il s’agissait. Souvent ce n’est qu’un simulacre d’éclair et mieux vaut me taire. Le photographe innocent, ce n’est pas moi. J’aimerais, mais ce n’est pas moi. Avec tout ça, si dans ce face-à-face je ne suis pas dissous, alors oui, je prends la photographie. S’ensuit un temps tout en patience, inquiétude et excitation, tant il est incertain que l’appareil ait vu la même chose que moi. Sans compter ce qu’a la chimie de hasardeux. Puis me gagne l’insouciance car bientôt je n’y pense plus. Et un jour le film revient du laboratoire par le courrier postal. Je l’étale sur la table lumineuse. Parmi les images ne disant que ce qu’elles disent je guette une forme familière. Une irradiation. Lorsque je la trouve me soulèvent à nouveau, avec un éclat plus sûr encore qu’au moment de déclencher, vibration, trace et découpe du réel reconnues jadis, à présent sanctionnées par une pincée de sels d’argent couchés sur neuf centimètres carrés de triacétate de cellulose. Une photographie. Je la reçois comme une greffe d’organe. Aussitôt je me recompose. Et sans avoir eu le temps de ressentir la plaie je me cicatrise. Moins infirme désormais. »

Séries principales
Népal-Qatar, le vide et le plein (2016…) L’explication, la paix, l’oubli (2013…) Le Bord de l’éclipse (2002…) épiphanies du quotidien (1994-2013) Brumes à venir (2008-2012) L’Usure du Monde (2004-2005)

Liens : http://www.fredericlecloux.com/